Production de logements sociaux / Obligations des communes
N° 2020-08 / À jour au 17 janvier 2020
Loi n° 2000-1208 relative à la Solidarité et renouvellement urbains (SRU) du 13.12.00 : art.55 / Loi n° 2013-61 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social du 18.1.13 / Loi n° 2017-86 relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27.1.17/ Loi n° 2018-1021 portant Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) du 23.11.18 / Décret n° 2014-870 du 1.8.14 / Décret n° 2017-835 du 5.5.17 / Décret n° 2019-1478 du 26. 12.19 / Décret n° 2019-1577 du 30.12.19
Cette analyse présente le dispositif mis en place par l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au renouvellement urbains (SRU), concernant l’obligation de production de logements sociaux dans les communes urbaines. Elle précise les collectivités concernées par cette obligation, celles qui en sont exemptées, ainsi que les catégories de logements retenues pour le décompte des logements sociaux. Les décrets des 26 et 30 décembre 2019, portant respectivement sur la prise en compte des terrains familiaux et sur la liste des communes SRU exemptées de l’obligation, sont intégrés à cette note qui décrit également les principales conséquences du déficit de production de logements sociaux.
Obligation d'atteindre une proportion minimale de logements sociaux
(CCH : L.302-5)
L’article 55 de la loi SRU modifié impose à certaines communes urbaines de disposer d’un nombre minimum de logements sociaux, proportionnel à leur parc de résidences principales (25 % ou 20 %). Elle soumet les communes urbaines ne satisfaisant pas à cet objectif à un prélèvement sur leurs ressources fiscales et leur impose de s'engager dans un plan de rattrapage en vue de combler le déficit dans le cadre d’un plan triennal inscrit dans le Programme local de l'habitat (PLH).
La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté (art. 97 à 99) a modifié les dispositions législatives relatives à la mise en œuvre de l’article 55 de la loi SRU pour :
- redéfinir les conditions d’application territoriale du dispositif et de fixation des niveaux d’obligation dans le sens d’un recentrage sur les territoires sur lesquels la demande de logement social est avérée et plus forte ;
- renforcer l’opérationnalité des outils existants afin de rendre plus efficace l’action de l’État dans les communes carencées.
La loi du 23 novembre 2018 portant sur l’Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite "loi ELAN" a recentré le seuil de population de l'Ile-de-France, élargi le décompte des logements sociaux, créé un échéancier adapté aux "communes entrantes" et mis en place un dispositif expérimental de mutualisation des obligations SRU en intercommunalité.
L’ensemble du dispositif est codifié au Code de la construction et de l’habitation (CCH), sous les articles L.302-5 à L.302-9-1.
À noter : depuis 2016, le ministère en charge du Logement a mis en ligne un site permettant d'avoir accès aux données sur le respect des obligations SRU en matière de production de logements sociaux, commune par commune, grâce à une interface simplifiée : la plateforme www.transparence-logement-social.gouv.fr.
Collectivités concernées par l'obligation de disposer 25 % ou 20 % de logements sociaux
Le taux de 25 % de logements sociaux s’applique aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions qui sont situées dans une agglomération ou un EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. L’objectif de cette mesure est d'imposer la réalisation de logements sociaux aux communes situées en zone tendue, c'est-à-dire dans des secteurs géographiques caractérisés par un déséquilibre important entre l'offre et la demande. Les communes rurales ne sont pas concernées.
À l'inverse, en cas de dynamisme démographique particulier, une commune se voit imposer un taux de 20 %. Sont concernées les communes situées dans une agglomération ou un EPCI qui ne nécessitent pas un effort de production supplémentaire de logements locatifs sociaux pour répondre à la demande et aux capacités à se loger des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées. Un décret fixe la liste des agglomérations ou des EPCI concernés (décret n° 2014-870 du 1.8.14). Cette liste est déterminée en fonction du nombre de demandes de logements sociaux dans ces agglomérations ou EPCI, par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes dans le parc locatif social.
Les communes de plus de 15 000 habitants qui, bien que n'appartenant pas à une agglomération ou un EPCI de plus de 50 000 habitants comportant une commune de 15 000 habitants, ont vu leur nombre d'habitants croître dans des conditions et sur une durée fixée par voie règlementaire sont également assujettis au seuil de 20 %. Ces communes sont dites isolées.
Communes exemptées de l’obligation
La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté (art. 97) redéfinit les conditions d'application de l'obligation de construction de logements sociaux, en recentrant le dispositif sur les territoires où la pression sur la demande de logement social est avérée.
Désormais, pour prétendre à l'exemption, toute commune située en territoire SRU doit satisfaire à au moins une de ces trois conditions (CCH : L.302-5) :
- être située dans une agglomération de plus de 30 000 habitants dont la tension sur la demande de logement social (demandes/attributions annuelles hors mutations internes au parc social) est inférieure à deux ;
- être située en dehors une agglomération de plus de 30 000 habitants et insuffisamment reliée par le réseau de transports en commun, aux bassins d'activité et d'emplois ;
- avoir plus de la moitié du territoire urbanisé soumis à une inconstructibilité (plan d'exposition au bruit, plan de prévention des risques technologiques, naturels ou miniers).
La loi prévoit qu’avant le début de chaque période triennale, un décret établit la liste des communes exemptées du dispositif SRU.
Un premier décret (décret n° 2017-1810 du 28.12.17) a exempté 274 communes pour les années 2018 et 2019 au titre de la sixième période triennale. La liste des communes est fixée sur proposition de l’intercommunalité d’appartenance et après avis du préfet de région et de la commission nationale SRU.
Le décret du 30 décembre 2019 exempte 232 communes, dont 24 au titre de la constructibilité contrainte de la majeure partie du territoire urbanisé, 54 au titre de la faible tension de l'unité urbaine de plus de 30 000 habitants d'appartenance et 154 pour insuffisance de la desserte en transports en commun, hors unité urbaine de plus de 30 000 habitants. Ce décret comprend donc trois articles qui correspondent chacun à l’un des trois critères de la loi et renvoient chacun à une annexe listant les communes exemptées pour les années 2020, 2021 et 2022.
Logements retenus pour le décompte des 25 % et des 20 %
Les logements qu'il convient de décompter comme logements sociaux sont les suivants (CCH : L.302-5) :
- les logements locatifs appartenant aux organismes d'HLM, à l'exception, en métropole, de ceux construits ou acquis et améliorés à compter du 5 janvier 1977 et ne faisant pas l'objet d'une convention relative à l'Aide personnalisée au logement (APL) ;
- les autres logements conventionnés dont l'accès est soumis à des conditions de ressources (CCH : L.351-2) ;
- les logements appartenant aux SEM des départements d'outre-mer, les logements appartenant à l'Entreprise minière et chimique et aux sociétés à participation majoritaire de l'Entreprise minière et chimique, les logements appartenant aux houillères de bassin, aux sociétés à participation majoritaire des houillères de bassin, ainsi qu'aux sociétés à participation majoritaire des Charbonnages de France ;
- les logements ou les lits des logements-foyers de personnes âgées, de personnes handicapées, de jeunes travailleurs, de travailleurs migrants et des logements-foyers dénommés résidences sociales, ainsi que les places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale et des centres d'accueil pour demandeurs d'asile. Les logements de cette catégorie sont décomptés à raison d'un pour trois (CCH : R.302-15). Toutefois, dans les foyers d'hébergement et les foyers de vie destinés aux personnes handicapées mentales, les chambres occupées par ces personnes sont comptabilisées comme autant de logements locatifs sociaux, dès lors qu'elles disposent d'un élément de vie indépendante (CCH : R.302-15) ;
- les terrains locatifs familiaux en état de service destinés à l'installation prolongée de résidences mobiles dont la réalisation est prévue au schéma départemental d'accueil des gens du voyage. Le décret du 26 décembre 2019 précise les règles applicables à l’aménagement, l’équipement, la gestion et l’usage de ces terrains et clarifie les conditions de leur prise en compte ;
- les logements du parc privé faisant l'objet d'un dispositif d'intermédiation locative qui sont loués à un organisme agréé pour exercer des activités d'intermédiation locative et de gestion locative sociale en vue de leur sous-location, meublée ou non, à des personnes en difficulté. Le loyer mensuel pratiqué au mètre carré, charges non comprises, par l'association doit être inférieur ou égal à un certain montant. Il s’agit des plafonds de loyer applicable dans le dispositif Cosse.
Sont décomptés, pendant une période de cinq ans à l'expiration de la convention conclue avec l’État (CCH : L.351-2), les logements dont la convention est venue à échéance.
Des ajustements ont été apportés par la loi ELAN en ce qui concerne le mode de dénombrement de ces logements. Ainsi, les logements sociaux vendus à leurs locataires sont considérés comme des logements du parc social pendant dix ans à compter de leur vente. De même, les logements en location-accession sont considérés comme des logements sociaux pendant cinq ans à compter de la levée d'option qui en transfert la propriété à leurs occupants.
Enfin, depuis le 1er janvier 2019, sont assimilés aux logements sociaux, les logements faisant l'objet d'un Bail réel solidaire (BRS / CCH : L.255-1). Il s'agit de logements donnés à bail par un Organisme de foncier solidaire (OFS) pour une durée de 18 à 99 ans.
La loi fait obligation aux personnes morales propriétaires ou gestionnaires d'adresser, avant le 1er juillet de chaque année, au préfet du département du lieu de situation des logements un inventaire par commune (CCH : L.302-6, al. 1er). Avant le 1er septembre, le préfet adresse au maire de chaque commune, concernée par l'obligation, un inventaire complet des logements sociaux décomptés. À compter de cette notification, la commune dispose de deux mois pour formuler ses observations. Après examen, le préfet doit lui notifier, avant le 31 décembre, le nombre de logements sociaux retenus, ainsi qu’une note dans laquelle il répond aux observations précédemment formulées.
Le taux de logements sociaux de la commune est obtenu en divisant le nombre de logements ainsi recensés par le nombre de résidences principales, tel qu'il ressort du rôle établi pour la perception de la taxe d'habitation. Le préfet doit prendre en compte le nombre total de logements figurant sur ce rôle et non seulement le nombre d'articles de ce rôle (CE : 3.10.08, n° 306082, Cne Saint-Germain-en-Laye).
Conséquences du déficit de logements sociaux
Chaque année, les communes soumises à l’obligation d’atteindre le taux de 25 % ou de 20 % de logements sociaux se voient appliquer un prélèvement sur leur budget de fonctionnement. Toutefois, certaines dépenses exposées par la commune pendant l‘avant dernier exercice peuvent être déduites.
Ces communes sont également tenues d'engager dans un plan de rattrapage pour trois ans qui doivent leur permettre d’atteindre le taux légal en 2025.
Depuis le 1er janvier 2017, pour toutes les communes, le prélèvement sur les ressources fiscales est fixé à 25 % du potentiel fiscal par habitant, multipliés par la différence entre 25 % ou 20 % des résidences principales, selon le seuil SRU applicable à la commune et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, dans la limite du plafond fixé par la loi. Il était auparavant fixé à 20 % (CCH : L.302-7, al. 2 / Circulaire du 7.2.08 : NOR MLVU0803674C).
Dépenses déductibles du prélèvement au titre de la loi SRU
(décret n° 2017-835 : art. 3 à 5 / CCH : R.302-16, R.302-16-2 et R.302-17)
Certaines dépenses et moins-values exposées par les communes pendant l‘avant dernier exercice peuvent être déduites du prélèvement. Si le montant de ces dépenses et moins-values de cession est supérieur au prélèvement d’une année, le surplus peut être déduit du prélèvement des deux années suivantes, puis encore les années suivantes, au prorata du nombre de logements locatifs sociaux qu’elles permettent de réaliser au regard des objectifs triennaux de rattrapage.
Sont déductibles (CCH : L.302-7, al. 4) :
- les subventions foncières (CGCT : L.2254-1) ;
- les travaux de viabilisation, de dépollution ou de fouilles archéologiques des terrains ou des biens immobiliers mis ensuite à disposition pour la réalisation de logements sociaux ou de terrains familiaux locatifs compris dans le décompte SRU. Depuis le 1er janvier 2017, les travaux de démolition et de désamiantage sont également visés (loi du 27.1.17) ;
- les dépenses (accompagnement social, gestion locative, différentiel de loyer...) engagées pour financer des dispositifs d'intermédiation locative dans le parc privé (logements conventionnés avec l'Anah) ;
- les dépenses incitant les propriétaires bailleurs à conventionner leurs logements avec l'Anah sous loyer social ou très social ;
- les moins-values de cession de terrains ou de biens immobiliers ;
- la création d'emplacements d'aire permanente d'accueil des gens du voyage ou de terrains locatifs familiaux ;
- la mise à disposition par bail emphytéotique, bail à construction ou bail à réhabilitation de terrains ou d'immeubles à un maître d'ouvrage pour la réalisation de logements locatifs sociaux.
Par ailleurs, certaines communes sont exonérées du prélèvement, pour deux raisons :
- soit parce qu’elles bénéficient de la Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et qu’elles disposent de plus de 15 % ou 20 % de logements locatifs sociaux (selon l’obligation légale applicable) ;
- soit parce qu’elles sont nouvellement soumises au dispositif SRU (du fait de fusions de communes, du dépassement des seuils de population…) ; dans ce cas, l’exonération du prélèvement dure trois ans, ce qui correspond au temps nécessaire aux communes concernées pour s’organiser et faire face à ces nouvelles obligations.
Plan de rattrapage et arrêté de carence en cas de non-respect des objectifs
(CCH : L.302-8 et L.302-9-1)
La commune qui n'atteint pas le seuil de 25 % ou 20 % de logements sociaux et qui est soumise au prélèvement doit s'engager dans un plan de rattrapage.
L'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux est fixé par le préfet de département qui le notifie à la commune concernée.
Cet objectif ne peut être inférieur au nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre au plus tard fin 2025 le taux applicable à la commune (25 % ou 20 %).
À l'issue de chaque période triennale, la commune ou l'EPCI établit un bilan portant en particulier sur le respect de ses engagements quantitatifs s'agissant du stock de logements sociaux mis en service ou financés sur la période et qualitatifs, s'agissant de la répartition équilibrée du flux de logements sociaux agréés (PLAI, PLUS et PLS) ou conventionné (avec l'Anah à loyer social ou très social).
Le préfet vérifie le respect des objectifs de rattrapage quantitatif et quantitatifs. Il peut prononcer la carence d'une commune, lorsque le bilan triennal fait apparaître que cette commune ne respecte pas ses objectifs.
Le constat de carence entraîne plusieurs conséquences impératives :
- la majoration du prélèvement. L'arrêté de carence en fixe le montant ;
- le transfert au préfet du contingent de réservation municipal sur des logements sociaux et d'autres mesures qui lui sont liées ;
- de réaliser 30 % minimum de logements locatifs sociaux dans toutes les opérations de construction ;
- l'exercice du droit de préemption par le préfet ;
- la planification ou la programmation des logements intermédiaires est sans effet.
L'arrêté de carence peut permettre au préfet de département de :
- délivrer les autorisations d'urbanisme dans certains secteurs fixés par l'arrêté de carence ;
- se substituer au maire pour conclure les conventions avec des bailleurs sociaux pour produire des logements sociaux ;
- conclure directement avec des organismes agréés pour l'intermédiation locative.